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Spondylarthrite : le traitement est aussi dans l’assiette !

Pr Jérémie Sellam, rhumatologue, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Service de rhumatologie, Paris et parrain de Spondyl(O)action

Nous avons connu des avancées majeures dans la spondylarthrite (SPA) durant ces 20 dernières années avec l’utilisation des biomédicaments, à commencer par les anti-TNF. Ces biomédicaments ont radicalement changé le pronostic de la maladie et ont grandement amélioré la qualité de vie des patients.

Pour autant, le traitement d’un rhumatisme, quel qu’il soit, ne se résume pas à une simple ordonnance. Les patients sont en attente d’une approche globale, au-delà des marqueurs sanguins ou des scores d’activité. De plus, malgré ces médicaments, les patients conservent des douleurs résiduelles, de la fatigue ou encore de la raideur matinale.

Ainsi pour améliorer l’état de santé global des patients, il est primordial de s’intéresser à ce qu’ils mangent. L’alimentation est un des points de connexion entre l’environnement et notre organisme. Cette alimentation peut influencer, directement ou indirectement via le microbiote intestinal, les réponses inflammatoires ou immunitaires et ainsi agir sur les symptômes.

De manière intéressante, les patients s’intéressent depuis de longue date à leur alimentation comme un moyen d’agir sur leur rhumatisme. Cela faisait jusqu’alors peu résonnance chez les médecins qui restaient focalisés sur les médicaments. Des études ont d’ailleurs observé que les patients ne parlent pas à leur rhumatologue des régimes qu’ils essaient pour essayer de se soigner. Face à l’absence de réponse du corps médical, ils vont plutôt s’informer sur internet, où sont mis en avant des régimes miracles. Or, ces informations ne sont pas toujours vérifiées et peuvent égarer les patients dans des mauvais chemins.

Face à ce constat, nous avons développé sous l’égide de la Société Française de Rhumatologie les premières recommandations sur l’alimentation en cas de rhumatisme inflammatoire. Ces recommandations sont basées sur les données de la science.

Vous pouvez accéder au texte complet en Français en cliquant ici : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1169833021009108

Tout d’abord, et c’est le message le plus important, un conseil nutritionnel, quel qu’il soit, ne remplacera jamais un traitement de fond (méthotrexate, biothérapie etc). En effet, les régimes ou modifications alimentaires sont un complément au sein de la prise en charge globale mais ne seront jamais aussi efficaces qu’un traitement de fond. Donc le régime, c’est « en plus », pas « en remplacement » !

Nous avons aussi insisté que le fait que les modifications alimentaires ne vont par ailleurs jamais seules : elles doivent impérativement associées à la pratique d’une activité physique, de marche quotidienne. On connaît le bénéfice de l’activité physique sur les douleurs, le moral, la qualité de vie et même l’inflammation. Autant ne pas s’en priver ! A vous de trouver une activité qui vous plaise car la composante « plaisir » est importante.

Concernant les différents types de régime : il n’y a pas de régimes miracles, contrairement à ce qu’on peut parfois lire. Mais une bonne alimentation sera un « coup de pouce » pour aller mieux et se sentir en forme.

Alors quel régime ?

Les études sont anciennes et de qualité moyenne, mais à ce jour, aucune étude n’a montré de bénéfice sur les symptômes de SPA des différents régimes d’exclusion dont on vante tant les mérites actuellement : sans gluten, sans lait de vache, vegan et autre. Les études sur les régimes d’exclusion ne sont pas toujours bien faites et par exemple, nous n’avons pas d’études sur le jeune intermittent, ou le sans gluten tel qu’il est pratiqué actuellement. La recherche doit avancer sur cela.

On peut aller mieux sans se priver mais en régulant ce qu’on mange, en mangeant « équilibré » et en luttant contre l’excès de poids !

Les études plaident ainsi pour la pratique du régime méditerranéen. Ce régime issu des pratiques culinaires du sud de l’Italie et de la Crète, a montré un bénéfice sur la santé cardiovasculaire. Comme cela vous ferez d’une pierre deux coups : avoir moins mal et protéger vos artères !

Dans les rhumatismes un certain nombre d’études ont montré une diminution des symptômes, et une amélioration de la qualité de vie.
Dans le régime méditerranéen, la part belle faite aux légumes, fruits, légumineuses, huile d’olive, produits laitiers type fromages ou yaourts, poissons. On privilégiera plutôt la viande blanche. Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter la viande rouge, mais qu’il faut les consommer avec modération. Les boissons et desserts sucrés doivent être consommés occasionnellement.

Finalement ce régime est assez proche du régime recommandé pour la santé en général et que vous pouvez consulter sur le site https://www.mangerbouger.fr/

Par ailleurs, dans les recommandations, nous avons insisté sur l’intérêt de la perte de poids en cas de surcharge pondérale ou d’obésité. En effet, en cas d’excès de poids, on a plus mal, on est plus fatigué et il a été montré que les médicaments antirhumatismaux (antiTNF) sont moins efficaces. Plus facile à dire qu’à faire me direz-vous ? C’est vrai à 100% et il ne faut pas se priver d’une prise en charge diététique et nutritionnelle si cela est possible.

Et si vous avez essayé un régime « sans » et que vous trouvez que cela diminue vos douleurs ?

Ce sont les limites des connaissances scientifiques et l’expérience individuelle est importante et doit pousser les chercheurs à aller encore plus loin dans les études reliant nutrition et rhumatismes.

En tout cas, l’important est de continuer à se faire plaisir en mangeant, de ne pas continuer un régime strict si celui-ci ne marche pas tant que ça. Si vous pratiquez un régime « sans, il faudra veiller à éviter les carences nutritionnelles (régime végétalien/vegan carences en fer, vitamine B12, zinc et calcium, régime sans laitage : carence en calcium, régime sans gluten : carence en fibres). Pour cela, une consultation auprès d’un diététicien ou d’un médecin peut s’avérer utile.

Manger et cuisiner ?

Enfin, les études ont bien montré que cuisiner plutôt que de manger des plats préparés, améliore le mental, la qualité de vie et les capacités à gérer son rhumatisme. Donc pourquoi ne pas se lancer, et cuisiner « maison », sans pour autant se lancer dans une carrière de « Top Chef » ?!