SPONDYLOACTION relaye ce dossier très complet sur notre pathologie – rédigé par l’INSERM en septembre 2023
Maladies inflammatoires chroniques des articulations, les spondyloarthrites correspondent à un groupe de pathologies responsables de douleurs invalidantes de la colonne vertébrale, très souvent associées à d’autres symptômes articulaires et/ou extra-articulaires. Pour éviter leurs conséquences invalidantes sur la vie quotidienne, elles doivent être traitées précocement. Mais face à la grande hétérogénéité de leurs manifestations et en l’absence de biomarqueurs spécifiques connus, toute la difficulté est de poser le diagnostic.
Comprendre les spondyloarthrites
Les spondyloarthrites correspondent à des rhumatismes inflammatoires et chroniques, qui touchent surtout la région lombaire et le bassin. Elles peuvent être sévères et invalidantes, car elles détruisent progressivement l’intégrité des articulations et favorisent l’ossification de la colonne vertébrale. La maladie se déclare souvent chez les jeunes adultes, entre 16 et 30 ans. Elle toucherait 150 000 à 200 000 personnes en France, dont près de la moitié sont atteintes de formes sévères.
Une terminologie qui évolue
Historiquement, ce groupe de maladies était appelé spondylarthropathies. Son nom a été modifié pour se calquer sur la terminologie anglo-saxonne (spondyloarthritis). Il y a quelques années, on en distinguait encore différentes présentations cliniques : rhumatisme psoriasique, spondylarthrite ankylosante, arthrites réactionnelles… Mais cette distinction est de moins en moins utilisée car les personnes atteintes d’une spondyloarthrite peuvent alternativement présenter l’une ou l’autre de ces formes cliniques au cours de leur vie.
Une maladie inflammatoire
L’inflammation chronique qui caractérise les spondyloarthrites est liée au dysfonctionnement de cellules du système immunitaire. Les chercheurs ont mis en évidence une altération de la fonction des cellules dendritiques conventionnelles, des cellules qui jouent habituellement le rôle de sentinelles, capable de repérer un « ennemi » et d’alerter nos défenses. Cette altération va notamment favoriser la différenciation des lymphocytes T CD4 en lymphocytes Th17, des cellules qui secrètent une molécule inflammatoire, l’interleukine 17 (IL-17). Le même processus est retrouvé dans le psoriasis, une maladie fréquemment associée à la spondyloarthrite.
Cette réponse immunitaire anormale est dite auto-immune : l’inflammation provoquée conduit à la dégradation progressive de l’articulation. Mais l’origine du phénomène reste inconnue. Selon l’hypothèse actuellement privilégiée, il serait déclenché en réponse à des facteurs secrétés par le microbiote intestinal. En effet, chez l’animal, les cellules Th17 apparaissent en premier lieu au niveau de la muqueuse intestinale et plusieurs études ont fait le lien entre la composition du microbiote intestinal et le risque de spondyloarthrite.
La génétique, fortement prédisposante
L’épidémiologie de ces maladies montre une forte agrégation familiale des cas, un constat qui a permis de mettre en évidence un terrain génétique de prédisposition. Le rôle de l’antigène HLA-B27, une des multiples protéines du complexe majeur d’histocompatibilité, a été décrit dès les années 1970. Cette molécule est en effet retrouvée chez 60 à 90 % des personnes atteintes de spondyloarthrite. Toutefois, sa présence ne suffit pas à déclencher la maladie puisqu’elle est retrouvée chez 7 % des individus de la population générale, non atteints. D’autres facteurs génétiques héritables sont impliqués. Une trentaine d’entre eux ont pu être identifiés, notamment au niveau des gènes IL23R ou ERAP1. Mais leur « poids » dans le risque de développer une spondyloarthrite reste faible. Des travaux de génétique se poursuivent pour tenter d’identifier des variations rares qui pourraient avoir un impact important sur le déclenchement de la maladie. Par ailleurs, des facteurs environnementaux pourraient aussi être en cause : le tabac et la modification durable du microbiote intestinal sont les deux principaux suspects.
In fine, l’hypothèse actuelle est que les spondyloarthrites seraient dans la plupart des cas déclenchées par la présence de l’antigène HLA-B27 et de cofacteurs qui restent à identifier. Le développement des technologies ‑omiques (protéomique, lipidomique, protéomique, transcriptomique, métagénomique…) pourrait aider les scientifiques à en savoir plus et à identifier de nouvelles signatures de la maladie.
Une cohorte nommée DESIR > Pour en savoir plus sur les spondyloarthrites et leur évolution, la cohorte DESIR (pour DEvenir des Spondylarthrites Indifférenciées Récentes) a été mise en place en France en 2007. L’Inserm est partenaire de ce projet scientifique.
Une présentation clinique variable dans le temps
Les spondyloarthrites sont caractérisées par des douleurs chroniques au niveau des articulations situées entre l’extrémité de la colonne vertébrale et le bassin (articulations sacro-iliaques) et des articulations lombaires. Ces douleurs s’étendent progressivement à l’ensemble de la colonne vertébrale (rachis). Elles se font surtout sentir la nuit et réveillent le patient, puis s’accompagnent d’une raideur matinale au lever. Elles sont souvent associées à une inflammation des grosses articulations (genou, cheville, épaule…) ou de l’attache des tendons (enthésite). Les doigts peuvent également être touchés (dactylite). Selon les patients, les symptômes sont plus volontiers axiaux (localisés au niveau de la colonne vertébrale) ou périphériques.
Ces douleurs sont diminuées par l’activité et exacerbées au repos. Si la maladie n’est pas contrôlée, elle finit par entraîner une dégradation des articulations touchées et une ossification de la colonne vertébrale. Ce processus est lent et évolue généralement sur plusieurs années. Mais à terme, il conduit à une perte progressive de la fonction des articulations, à une limitation des mouvements et donc à celle des activités que le patient peut réaliser.
La spondyloarthrite peut en outre être associée à des manifestations extra-rhumatologiques. Au niveau oculaire, les patients présentent souvent des poussées d’uvéite antérieure aiguë (inflammation interne de l’œil à l’origine d’une rougeur), une photophobie et une vision trouble. D’autres comorbidités fréquentes sont le psoriasis ou une maladie chronique inflammatoire de l’intestin (MICI). Beaucoup plus rarement, la spondyloarthrite peut aussi se compliquer d’une insuffisance aortique (dysfonction d’une valve cardiaque).
Un diagnostic difficile
Les spondyloarthrites regroupent donc un ensemble de formes cliniques hétérogène, dont la variabilité rend souvent le diagnostic difficile. Or il n’existe pas d’examens réellement discriminants. Cela peut conduire à des erreurs diagnostiques et entraîner une confusion avec d’autres douleurs chroniques de la colonne vertébrale, par exemple la fibromylagie.
Si aucun biomarqueur spécifique de la maladie n’a encore pu être identifié, des examens biologiques permettent parfois de mettre en évidence une inflammation chronique au niveau sanguin (par mesure de la vitesse de sédimentation, ou dosage de la protéine CRP). La recherche de l’antigène HLA-B27 s’avère également utile : sa présence conforte la présomption de spondyloarthrite.
Des examens d’imagerie sont également réalisés, même s’ils n’apportent aucun élément de diagnostic formel chez certains patients qui présentent pourtant tous les symptômes typiques de la maladie. Une radiographie classique peut mettre en évidence des modifications caractéristiques des articulations sacro-iliaques. Mais dans beaucoup de cas, les signes détectables grâce à cet examen ne sont pas visibles avant plusieurs années d’évolution. Aujourd’hui, le recours à l’IRM se développe : cette technique permet en effet de repérer des modifications inflammatoires du bassin et de la colonne vertébrale de façon plus précoce, ainsi que chez certains patients qui ne présentent pas de signes visibles sur les radiographies classiques. L’utilisation du PET-Scan associé à une injection de fluorure de sodium est en cours d’évaluation : elle permettrait la mise en évidence des foyers osseux touchés par l’inflammation.
De plus en plus d’options thérapeutiques
La stratégie de prise en charge d’une spondyloarthrite dépend du type d’atteintes dont souffre le patient (axiales, seules ou associées à des manifestations périphériques, ou bien extra-articulaires) et de leur sévérité. L’objectif est de contrôler les symptômes et l’inflammation, pour améliorer la qualité de vie et le pronostic en réduisant le risque de dommages structurels des articulations.
L’arrêt du tabac doit être systématiquement encouragée puisque sa consommation est associée à un moins bon contrôle de la maladie et un moins bon pronostic. L’activité physique, y compris d’intensité élevée quand elle est bien tolérée, est quant à elle très fortement recommandée car elle favorise au contraire le contrôle de la maladie.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens AINS sont recommandés en première intention et doivent être maintenus en cas d’efficacité. Toutefois, compte tenu de leurs effets indésirables potentiels (digestifs, cardiovasculaires ou encore rénaux), il est déconseillé de les utiliser à long terme. Des corticoïdes (cortisone) peuvent aussi aider à lutter contre l’inflammation. Lorsqu’il est nécessaire d’arrêter les AINS, ils sont utilisés à la dose la plus faible possible et en courte cure, en infiltration directement dans la zone douloureuse au niveau d’une articulation, ou bien par voie orale.
Si la maladie reste active, l’utilisation de biothérapies qui ciblent des facteurs d’inflammation doit être envisagée. Un AINS peut leur être associé pour contrôler la douleur. Les inhibiteurs de la cytokine TNF sont encore le plus souvent utilisés en priorité, compte tenu de leur ancienneté et donc d’un meilleur recul sur leur efficacité et leur tolérance. En outre, ces médicaments sont efficaces sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et les uvéites fréquemment associées aux spondyloarthrites. En cas d’échec de plusieurs anti-TNF ou en cas de présence d’un psoriasis, il est recommandé d’utiliser un anticorps monoclonal anti-IL-17 (secukinumab, ixekizumab, bimekizumab), dirigé contre l’interleukine 17 pro-inflammatoire produite en excès dans la maladie. Une troisième classe thérapeutique plus récente, celle des inhibiteurs de JAK (upadacitinib, tofacinitib), cible la protéine Janus kinase impliquée dans la cascade de signaux d’inflammation. Ils sont réservés aux patients chez lesquels les autres traitements n’ont pas fonctionné, avec des précautions particulières en cas de risque de cancer ou d’accident cardiovasculaire.
Un traitement est considéré comme efficace s’il permet une amélioration significative des symptômes après trois mois, mesurée à l’aide d’une échelle adaptée (BASDAI ou DAPSA). Le plus souvent, ces traitements doivent être poursuivis sur le long terme. Les personnes qui débutent une biothérapie révélatrice d’une maladie active doivent généralement la poursuivre cinq ans, voire plus longtemps.
Des soins de kinésithérapie peuvent par ailleurs soulager les douleurs ressenties par le patient et préserver la mobilité de ses articulations. Enfin, la chirurgie peut être envisagée pour traiter une destruction articulaire avancée, la fusion de vertèbres associées à une déformation majeure ou encore des fractures vertébrales.
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