Mettons fin à la pénurie de corticoïdes

Patients et professionnels de santé demandent aux autorités de faire en sorte qu’une fourniture pérenne de ces  médicaments d’intérêt thérapeutique majeur soit assurée.

L’association Spondyl(O)action est signataire de cette tribune. Une rencontre est prévue à l’agence ANSM le vendredi 7 juin en présence des représentants des rhumatologues et dix associations de malades.

Nous, patients et professionnels de santé, notamment médecins rhumatologues, sommes très préoccupés des pénuries actuelles et répétées concernant les corticoïdes par voie orale ou injectable, alors que ces médicaments font partie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM)  définis par le décret du 20 juillet 2016. Ces pénuries sont graves pour la bonne prise en charge des patients et leur sécurité alors que ces traitements en forme orale sont pris au long cours dans un certain nombre de situations de maladies inflammatoires chroniques. Parmi la population, 1 % à 4 % est sous corticoïdes au long cours, notamment pour des affections rhumatologiques (polyarthrite rhumatoïde, pseudopolyarthrite rhizomélique, lupus et autres maladies auto-immunes) mais aussi pneumologiques (asthme et broncho­pneumopathies obstructives) digestives (maladies chroniques inflammatoires de l’intestin) ou dermatologiques.

Ces médicaments sont également très utiles en cures courtes pour soulager certaines affections rhumatologiques aiguës, dans lesquelles ils sont particulièrement efficaces (névralgies cervico­brachiales et sciatiques, goutte…). Au total, des centaines de milliers de patients pourraient être potentiellement affectés par une pénurie si celle-ci devenait permanente.

De surcroît, on parle de médicaments qui ne peuvent être interrompus brutalement au risque de provoquer un syndrome de sevrage et un rebond de la maladie pouvant mettre en jeu la sécurité des malades.

Les formes injectables de corticoïdes pour infiltrations font partie de l’arsenal thérapeutique de premier choix pour traiter les poussées d’arthrose, de névralgie sciatique, de goutte ou de rhumatisme inflammatoire, ainsi que les tendinopathies, dans le but de soulager rapidement ces maladies douloureuses et invalidantes. Celles-ci sont toutes à l’origine d’une diminution des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie, et sont la première cause d’arrêt de travail dans notre pays.

De plus ces traitements locaux permettent, comme le soulignent les recommandations des sociétés savantes, d’éviter l’usage de médicaments pris par voie générale (anti ­inflammatoires  non stéroïdiens, morphine, codéine, tramadol …), potentiellement beaucoup plus iatrogènes, notamment chez les patients âgés. Ils sont économiquement très rentables puisque, avec une seule injection, certaines pathologies peuvent régresser de façon spectaculaire.

La situation actuelle est grave alors que l’on est confronté à la fois à des tensions d’approvisionnement des corticoïdes oraux (Cortancyl et son générique la prednisone, Solupred et son générique la prednisolone), à des ruptures de stock du Diprostène et du Célestène Chronodose, suspensions injectables de bétaméthasone.

La rupture de stock du Diprostène initialement prévue jusqu’à la mi­mai est actuellement étendue jusqu’au début de l’année 2020 ! De plus, nous sommes choqués d’apprendre, dans ce contexte difficile, le retrait du Kenacort Retard prévu, le 31 juillet, par la compagnie pharmaceutique. La disparition de cet autre corticoïde pour infiltration va réduire encore les alternatives thérapeutiques, après le retrait de l’Altim par le fabricant, il y a deux ans, et d’autres (tel le Dilar), ou le non remboursement d’autres formulations (tel le Depomédrol). Ces problèmes ne vont faire qu’accroître encore plus la pression sur les très rares corticoïdes injectables restant disponibles sur le marché, déjà le plus souvent en situation de rupture, avec un risque de spirale infernale de disparition de cette classe de produits.

Ces différents éléments sont contraires à ce que doit proposer un plan de gestion de pénurie tel qu’il est défini et mis en place depuis 2017 en France, alors que les informations données sur les délais prévisionnels de remise à disposition de rupture de stock sont erronées, voire sans aucune précision concernant le corticoïde injectable. Malgré ce plan, on assiste donc à un défaut d’accès à ces médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

Les causes de ces pénuries à répétition et de ces disparitions sont multiples : il peut s’agir de problèmes sur les chaînes de fabrication dont le nombre s’est considérablement restreint avec de fortes conséquences lors de leurs arrêts forcés ; le prix extrêmement bas de ces médicaments anciens (moins de 5 euros la boîte) retentit de manière très négative sur leur rentabilité, poussant les industriels à les retirer du marché indépendamment de l’intérêt thérapeutique.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a convoqué, le 9 mai, l’ensemble des  laboratoires concernés, et nous a informés, le 24 mai, d’une avancée significative sur ce dossier.

Nous demandons néanmoins aux autorités de santé de résoudre en urgence avec les industriels concernés les problèmes de tensions d’approvisionnement des pharmacies en cortisone orale, et de bloquer le retrait programmé du Kenacort Retard .

A moyen terme, nous leur demandons de mettre en œuvre des mesures fortes, complémentaires de celles déjà prises, qui permettront de réduire les pénuries et les retraits de médicaments matures pour l’ensemble des spécialités médicales : plus de flexibilité réglementaire, plus de collaboration avec Les Entreprises du médicament (LEEM) mais aussi plus d’obligations pour l’ensemble des industriels, par exemple la constitution de stocks minimaux obligatoires.

Cette démarche doit nécessairement impliquer les Conseils nationaux professionnels et les associations de malades, particulièrement à même de définir les enjeux de santé, qui sont prêts à rencontrer au plus vite l’ANSM et le ministère de la santé.

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